Nord-du-Québec

Une semaine d’audiences annulée faute de juge disponible

Des centaines de dossiers judiciaires sont en péril dans le nord de la province, où une semaine complète d’audiences de la Cour du Québec a été annulée faute de juge disponible.

Selon l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales (APPCP), qui compte parmi ses rangs entre 10 et 15 avocats qui œuvrent dans cette région, cette situation est « hors du commun ».

« C’est un élément supplémentaire qui complexifie les problèmes qu’on a déjà. Ce sont des victimes qui n’ont pas les services auxquels elles ont droit », déplore en entrevue un de ses porte-parole, MAndy Drouin.

En effet, le ministère de la Justice a confirmé lundi que la semaine d’audiences qui devait commencer la journée même à Kuujjuaq, au Nunavik, a été annulée en raison « de l’indisponibilité des juges affectés à la cour itinérante ainsi que des juges suppléants ».

Aucun juge québécois n’est établi à temps plein dans le nord de la province. Les causes y sont plutôt entendues par un juge de la Cour du Québec qui se rend occasionnellement dans 9 des 14 communautés que compte le Nunavik, selon les besoins.

Des arrêts de procédures à craindre

Déjà, par le passé, des journées d’audiences ont dû être annulées ou reportées en raison de problèmes logistiques ou météorologiques, mais rarement en raison de l’indisponibilité des magistrats.

À ce sujet, le Ministère rappelle que la magistrature est responsable de l’assignation des juges. « La Loi sur les tribunaux judiciaires prévoit que chaque juge a compétence sur tout le territoire du Québec et pour l’ensemble de la compétence de la Cour, quelle que soit la chambre à laquelle il est affecté. »

La Cour du Québec est composée de 319 juges, en plus des 61 juges à la retraite actuellement autorisés à exercer la fonction de juge suppléant. La Cour du Québec n’avait toujours pas répondu à nos questions envoyées par courriel lundi à savoir pourquoi aucun juge n’était disponible pour se rendre à Kuujjuaq lundi.

Environ 250 dossiers devaient y être entendus cette semaine et seront vraisemblablement reportés. Ces reports peuvent parfois être de plusieurs semaines, voire des mois, estime MAndy Drouin.

« Ce sont des arrêts de procédures qui sont à craindre, si les causes ne peuvent être entendues », souligne-t-il en faisant référence à l’arrêt Jordan de la Cour suprême qui prévoit un arrêt du processus judiciaire en cas de délais déraisonnables pour juger un accusé.

De nouvelles dates fixées

De son côté, le bureau du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) indique avoir été informé dès le 15 juin par la Cour du Québec que, faute de ressources judiciaires, elle ne pourrait pas tenir la session en chambre criminelle prévue à Kuujjuaq.

L’ensemble des dossiers ont alors été appelés le 13 juillet au palais de justice d’Amos afin que de nouvelles dates de cour soient fixées, a indiqué un porte-parole du DPCP, Luc Fournier.

« Nous avons partagé nos préoccupations avec le juge coordonnateur de la Cour du Québec et continuons d’offrir tout notre appui à l’ensemble des partenaires du système de justice afin que des solutions soient mises rapidement de l’avant pour limiter les impacts sur les différents intervenants, dont les victimes et les témoins », explique-t-il.

Une population très judiciarisée

Ces délais supplémentaires risquent d’ajouter à une situation déjà hautement problématique. En effet, le nombre de causes criminelles au Nunavik est disproportionné par rapport au nombre d’habitants qui y vivent. Selon des données dévoilées par Radio-Canada en février dernier, pas moins de 1400 adultes y sont accusés en moyenne chaque année par le DPCP.

Avec une population d’environ 9000 adultes, cela signifie qu’un sur six est judiciarisé chaque année dans le Nord-du-Québec.

Dans le Sud, ce taux est nettement moins élevé, alors qu’environ 55 000 adultes y sont judiciarisés chaque année, toujours selon les chiffres obtenus par le diffuseur public, pour une population d’environ 7 millions d’adultes.

« L’amélioration de l’accès à la justice, notamment dans le nord du Québec, constitue une priorité pour le gouvernement du Québec. Plusieurs enjeux ont été soulevés en matière d’accès à la justice au cours des dernières années au Nunavik. L’annulation de ce terme de cour démontre une fois de plus l’importance d’agir », a réagi le ministre de la Justice du Québec, Simon Jolin-Barrette.

En octobre dernier, Québec a confié à l’avocat Jean-Claude Latraverse le mandat d’analyser la situation de la cour itinérante et de proposer des solutions afin d’améliorer les délais et les conditions entourant celle-ci. Les conclusions de son rapport n’ont toujours pas été dévoilées.

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